Les souvenirs de l'étoile

Une fiction en cours d'écriture. J'espère que vous aimerez même si elle est très particulière.

A l’aube des temps, une étoile s’effondra sur elle même, engloutissant tout ce qui se trouvait autours d’elle. Rien n’échappa à son appétit. Cependant, elle fut si gourmande qu’elle finit par exploser et se disséminer dans l’immensité noire qui était jusqu’alors sienne.

Aujourd’hui, cette étoile n’est plus et oubliée de tous. Mais dans chaque poussière de l’univers persiste des bribes de souvenirs perdu qui ne demande qu’à être ravivé…

Chapitre 1 : la froideur d’Elisa

Par une chaude nuit d’été, elle apparut. Haut dans le ciel et scintillant de mille feux, elle avait parcouru la falaise du Loup De neige (la roche ayant le forme paradoxale d’une tête de loup hurlant les jours de pleines lunes) pour ensuite se jeter dans le vide et entamer une chute longue de cent mètres. Lorsqu’elle disparut derrière les pins de la forêt de Coldstone, la terre trembla quelques instants, faisant vibrer les murs et les meubles de ma maison. Ma femme me rejoignit alors sur le porche, sa main droite dans son dos et la gauche sur son ventre ballonné par le fruit de notre amour.

- Elisa, le médecin a dit de ne surtout pas te lever ! lui lançai-je inquiet pour l’enfant qu’elle portait.
- Je n’allais tout de même pas rester couchée alors que le sol s’est éveillé ! me répondit-elle en me fixant de ses yeux bleus marines.

Alors que je m’apprêtais à lui ordonner de rentrer, un grognement monstrueux surgit des ténèbres de la forêt. De tout mon vivant, je n’avais jamais entendu un tel cri et pourtant, les longues années de chasses m’avaient appris à connaître toutes les créatures des bois sur le bout des doigts. Elisa, apeurée, attrapa alors mon bras droit et le serra de toutes ses forces.

- Qu’est ce que s’était ? demanda-t-elle tout en observant la rangée de sapins qui faisait face à notre maison.
- Mieux vaut ne pas savoir, concluais-je en la ramenant à l’intérieur.

Je fermai la porte en chêne à double tour et reconduisit ma femme dans notre chambre où elle s’allongea sur le lit conjugal.

- Ne t’inquiète pas ! la rassurai-je en lui caressant le front. Je vais veiller toute la nuit afin de m’assurer que rien ni personne n’entre dans notre demeure.

J’attendis alors qu’elle sombre dans un profond sommeil, puis quittai la pièce et allai m’asseoir dans le fauteuil installé près de la cheminée, un fusil de chasse à la main chargé de deux balles de calibre douze et le reste des munitions dans la poche droite de mon gilet. Le feu allumé dans l’âtre me tenait chaud, ainsi que la couverture en laine, tricotée par Elisa, déposée sur mes genoux. De là où je me trouvais, je pouvais observer par la seule fenêtre de la maison l’orée de la forêt. J’étais prêt à affronter tout ce qui en sortirait…

« Plus le temps passait, plus tes paupières devenaient lourdes. Tu as fini par céder à la fatigue et c’est là que tout à commencer. »

Des cris parvinrent à mes oreilles…

« Poussière tu étais et poussières tu seras, telles son les paroles d’un prêtre proclamant son oraison funèbre. Sache que cette poussière est emplie de souvenir. »

Des coups de feu retentirent au loin…

« Je ne t’en voudrais jamais. Cela faisait déjà plusieurs nuits que tu ne dormais plus ! »

Un craquement assourdissant couvrit tous les autres bruits…

« Notre amour ainsi que son fruit seront éternels… Ta femme qui t’aime. »

Sans m’en rendre compte, je m’étais assoupi. A travers la fenêtre, je vis le soleil se lever à l’horizon, au dessus de la forêt de pin. L’aube était passée et rien n’était arrivé. Pourtant, ces bruits et ces étranges paroles entendues durant mon sommeil m’inquiétèrent. Je me levai alors et, prononçant le nom de ma femme à haute voix, je me dirigeai vers la chambre.

Peu avant d’atteindre la pièce, une légère brise traversa la maison et c’est là que je compris que quelque chose d’horrible s’était produit, mais j’étais bien loin d’imaginer l’horreur qui s’offrit à moi une fois devant le lit où ma femme était censée se reposer. Le matelas, entièrement déchiquetés, n’était plus qu’un tas de plumes éparpillés sur une structure en bois dont il manquait à présent un pied sur les quatre de base. De ces restes partait une trainée de sang menant au mur latéral gauche qui n’existait plus et continuait jusqu’à l’orée du bois, tâchant l’herbe rafraîchie par la rosée du matin. Suivant les traces macabres, mes membres tremblaient sous l’effet de l’émotion. Je n’osais imaginer ce que j’allais trouver au bout de ce chemin d’hémoglobine.

La forêt était sombre et humide. Le silence qui y régnait semblait m’engloutir, alors que l’ombre des arbres formait de terrifiantes créatures auxquelles mon esprit donnait vie. Pourtant, dans cet horrible enfer glacial, il me fallait suivre la route qui avait été tracée. Des larmes, jusqu’alors retenues, coulèrent le long de mes joues et je murmurai le nom de ma bien-aimée, pour ensuite le hurler et en entendre l’écho.

Finalement, je la trouvais adossée contre un arbre, le ventre ouvert, vide de toutes entrailles, comme un fruit qu’un animal aurait dénoyauté. Mes mains tremblantes effleurèrent sa joue droite. Pour la première fois de ma vie, je découvris la froideur d’Elisa… Elle qui avait toujours été chaleureuse, attentionnée et affectueuse.
Ce fut la dernière fois qu’elle et moi furent réunis. Depuis, trente ans ont passés et bien des choses ont changés. Je ne suis plus le même homme… ou plutôt je ne suis plus un homme. Il y a tant de chose à raconter, tant d’instant à décrire afin d’expliquer pourquoi, à l’instant même où j’écris ses lignes, une femme enceinte de six mois est allongée à mes cotés, le crâne troué par une balle de calibre 12…